13 Avril 2015

La caméra OSIRIS localise le lieu d’atterrissage final de Philae

Des images enregistrées à la mi-décembre par la caméra OSIRIS-NAC de Rosetta auraient permis de retrouver le robot Philae largué sur la comète 67P le 12 novembre 2014 à plus de 500 millions de km de la Terre.
13 avril 2015

Posé sur le flanc ?

Figure 1 : image OSIRIS-NAC du petit lobe du noyau de la comète 67P montrant le grand bassin Hatmehit ainsi que le site d’atterrissage final de Philae (les cercles blancs ont un diamètre de 60 m). ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA.

Le 12 novembre 2014, Philae rebondissait suite à un atterrissage mouvementé sur Agilka, le site choisi sur le noyau de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko. L’évènement avait été capturé par la caméra NAC (Narrow-Angle Camera) de l’instrument OSIRIS embarqué sur la sonde Rosetta, alors que cette dernière était à environ 15,5 km de la surface de la comète.

Après ce 1er rebond s’en est suivi un vol balistique de 2 h au-dessus du noyau, perturbé par une collision en plein vol sur un haut relief. Ensuite Philae touchait une nouvelle fois le sol avant de rebondir de nouveau pendant 7 min avant que l’atterrisseur ne s’immobilise enfin sur son site d’atterrissage définitif. Depuis lors, trouver l’emplacement exact de ce site s’est révélé un véritable challenge.

Grâce à l’instrument CONSERT de l'orbiteur, des mesures ont été effectuées pendant les 60 h qu’a duré la mission et il a finalement été possible de localiser Philae sur une zone circulaire de 50 m de diamètre (figure 1). Par ailleurs, les mesures du magnétomètre ROMAP de Philae, cette fois-ci, ont permis de déterminer l’orientation de l’atterrisseur, probablement posé sur le flanc sur 2 de ses pieds et l’un de ses côtés. Des analyses complémentaires ont alors été menées au SONC du CNES de Toulouse permettant de localiser plus précisément la position de Philae dans une zone de 10 m de diamètre, grâce aux conditions d’ensoleillement et à la durée des contacts radio entre l’atterrisseur et l’orbiteur.

Meilleur éclairement du site en mai

Figure 2 : images OSIRIS-NAC du site avant (à gauche) et après l’atterrissage (à droite) révélant la présence possible de Philae à la surface de la comète (il se pourrait même que l’on puisse voir les pieds du train d’atterrissage de Philae). Les images originales ont été ré-échantillonnées à la même échelle spatiale. La zone vue représente un carré de 20 mètres de côté.

Retrouver Philae sur les images du noyau s’est révélé encore plus difficile. Les images ayant la plus haute résolution possible de la région concernée ont été obtenues par la caméra NAC de l'instrument OSIRIS à la mi-décembre à une distance d’environ 20 km. Avec une résolution de 38 cm par pixel, ça signifie que le corps de Philae (hors train d’atterrissage) ne serait visible que sur 2 pixels maximum.

Or, les « points » brillants sont omniprésents à la surface du noyau et sont la plupart du temps dus à l’éclairement favorable de certaines parties de roches. Ce sont probablement des phénomènes voisins de la réflexion spéculaire (le rayon incident donne naissance à un rayon réfléchi unique). Après un examen minutieux de la région concernée, différents « candidats » ont pu être observés mais il était encore impossible d’affirmer si Philae était bien parmi eux. Ce qui a fait la différence, c’est l’identification d’une image de la NAC obtenue avant l’atterrissage dans des conditions géométriques (ensoleillement et visibilité) quasiment identiques à celles d’une image prise mi-décembre après l’atterrissage. Bien que prises à des résolutions spatiales différentes, tous les détails topographiques du site se sont révélés parfaitement identiques, à part un point brillant présent uniquement sur l’image prise après l’atterrissage (voir figure 2).

La possibilité d’une erreur de détection ou d’un artefact semble pouvoir être écartée puisque ce « candidat » de Philae a également été identifié sur d’autres images prises mi-décembre. Ses coordonnées ont ainsi pu être calculées et correspondent extrêmement bien à celles qui avaient été envisagées suite aux analyses de la trajectoire de rebond de Philae, à un degré près (moins de 10 m). Des travaux sont en cours afin de modéliser la topographie du site (DTM – Digital Terrain Model) mais sont ralentis par l'ensoleillement partiel du site, jusqu’à présent à la limite de la partie éclairée du noyau. Un meilleur éclairement du site est prévu à partir du mois de mai. « Les investigations vont se poursuivre, confie Francis Rocard, responsable des programmes d'exploration du Système solaire au CNES. S'il s’avère qu’il s’agit bien de Philae, nous pourrons alors définir plus précisément la date de réveil de l'atterrisseur grâce aux données que nous possédons sur l'éclairement de la zone. » En effet, Philae doit encore recharger suffisemment ses batteries grâce à ses panneaux solaires pour pouvoir donner signe de vie...

La localisation de Philae est le résultat d’un effort collectif impliquant notamment G. Faury de AKKA Technologies (travaillant en relation avec le LAM et l’IRAP) qui a identifié Philae sur l’image, P. Lamy de l’équipe OSIRIS au LAM (Laboratoire d’Astrophysique de Marseille), E. Jurado du CNES et R. Garnier de CSSCI (collaborateurs du CNES) pour le SONC (Science Operations and Navigation Centre), A. Herique et Y. Roger de l’équipe CONSERT à l’IPAG (Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble), P. Heinisch de l’équipe ROMAP à l’IGEP (Université Technique de Braunschweig).

Rosetta est une mission de l’ESA avec des contributions de ses États membres et de la NASA. Philae, l’atterrisseur de Rosetta, est fourni par un consortium dirigé par le DLR, le MPS, le CNES et l'ASI. Rosetta est la 1ère mission dans l'histoire à se mettre en orbite autour d’une comète, à l’escorter autour du Soleil, et à déployer un atterrisseur à sa surface.