28 Avril 2021

[Exploration] Comment les ballons préparent les voyages vers Mars

Avec les ballons évoluant dans la stratosphère, les scientifiques disposent d’un véhicule idéal pour tester les effets des radiations cosmiques sur le corps humain et trouver des protections efficaces.

C’est une activité récente pour les ballons stratosphériques, jusque-là surtout utilisés pour réaliser des observations à très haute altitude dans le domaine de la physique et de la chimie de l’atmosphère ou des expériences d’astronomie et d’astrophysique. Depuis 2019, ces ballons embarquent également des expériences de biologie destinées à préparer les futures missions d’exploration humaines lointaines

Une des difficultés auxquelles seront confrontés les équipages voyageant vers la Lune, et plus encore vers Mars, sera en effet le haut niveau de radiations auquel ils seront exposés en s’éloignant de la Terre. Ces niveaux bien plus élevés que sur l’ISS, associés à des séjours dans l’espace plus longs, nécessiteront des mesures de protection adaptées, telles que des blindages renforcés sur les vaisseaux et les installations. Encore faut-il savoir quel matériau protège le plus efficacement le corps humain contre les rayonnements. C’est tout l’objet des recherches menées par les scientifiques de l’Inserm avec le support du CNES. Les ballons stratosphériques ont en effet la capacité d'emporter des échantillons de cellules humaines protégées par différents blindages à différents niveaux de l'atmosphère jusqu'à 40 km d'altitude.

Cela permet d'exposer les échantillons aux radiations et d’en caractériser l’impact de retour au sol après avoir maintenu les cellules à une température constante de -16°C durant tout le vol.

Stéphane Louvel, chef de mission ballons au CNES

Une nouvelle campagne en 2021 en Suède

Le premier vol réalisé en 2019 depuis la base de Timmins, au Canada, avait un double objectif : évaluer la quantité de rayonnement subi lors d’une exposition dans la stratosphère et étudier les lésions que les radiations provoquent sur l’ADN de fibroblastes humains, qui sont des cellules de tissus solides et plutôt radio-résistantes, avec différents types de protection. Cette expérience a mis en évidence que les cellules non protégées subissaient beaucoup plus de radiations que ce que l’on pensait, et que parmi les blindages testés, le plomb se révélait moins protecteur que d’autres matériaux comme l’aluminium. Cet été, l’expérience Bernadotte embarquée dans la campagne de ballons qui se déroulera à Kiruna, en Suède tentera d’affiner ces résultats.

[Livre] « L’humain et l’espace »

Publié il y a quelques semaines, c'est LE nouveau livre de référence pour comprendre les recherches menées sur la santé des astronautes et les bénéfices que l’on peut en attendre sur Terre.

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On sait que les cancers radio-induits peuvent toucher différents organes. L’objectif sera cette fois de mener les mêmes observations sur des cellules de cristallin, d’os et de cœur, que l’on sait moins radiorésistantes que les fibroblastes, pour voir lesquelles sont les plus endommagées. Les ballons sont très bien adaptés à ce type de recherches.

Guillemette Gauquelin-Koch, responsable des sciences de la vie au CNES

Un 3e vol devrait se dérouler dans les années à venir depuis le Brésil, afin d’atteindre des zones au niveau de l’Atlantique Sud où les radiation sont encore plus fortes. Ces expériences successives permettront de déterminer les meilleurs matériaux non seulement pour le blindage des vaisseaux, mais aussi pour la composition des futures combinaisons spatiales.

Campagne de ballons, mode d’emploi

L’expérience Bernadotte sur les radiations n’est qu’une des facettes de la campagne 2021 à Kiruna, en Laponie suédoise. A l’image d’un satellite, chaque ballon embarque sur sa nacelle plusieurs instruments scientifiques pour le compte de différents laboratoires de recherche. « Les expériences n’ont pas nécessairement de rapport les unes avec les autres. Les seules contraintes sont qu’elles ne se polluent pas mutuellement, qu’elles aient besoin du même profil de vol et que l’ensemble ne dépasse pas une tonne », explique Stéphane Louvel, chef de mission au CNES. La campagne, qui s’étend sur environ un mois, totalise 4 vols représentant en tout une vingtaine d’instruments. Présent sur la base avec une équipe de 25 personnes et près de 80 tonnes de matériel, c’est le CNES qui assure toutes les opérations de préparation des ballons et des nacelles, de lâcher, de pilotage et de contrôle jusqu’à la récupération des ballons. 

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CNESMAG 87 - visuel de couverture Crédits : CNES

A lire, cnesmag n° 87

Pour prolonger la thématique et en savoir plus sur les défis de l'exploration spatiale lointaine, vous pouvez lire en ligne gratuitement le nouveau CNESMAG. Au sommaire de ce numéro 87 : « Exploration, changement d'échelle ». Vous y trouverez toutes les informations sur les missions actuelles et découvrirez comment les acteurs d'aujourd'hui se préparent activement à relever les défis de demain. Avec une interview de Thomas Pesquet avant le lancement de la mission Alpha.